MEDIATION CONCILIATION DANS UN CADRE JUDICIAIRE
COUR D’APPEL DE PARIS
11 Décembre 2008
Plan d’intervention de Martine Bourry d’Antin – Avocat au Barreau de Paris – Ancien Membre du Conseil de l’Ordre – Président d’Honneur de l’Association des Médiateurs Européens.
LE RÔLE DE L’AVOCAT AU COURS DE LA MEDIATION JUDICIAIRE
ET DE LA CONCILIATION
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I – LE RÔLE DE L’AVOCAT AU COURS DE LA MEDIATION JUDICIAIRE
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Par sa consécration législative ( articles 131-1 à 131-15 du CPC – loi du 8 Février 1995 et décret d’application du 22 Juillet 1996) la médiation judiciaire est devenue un mode de règlement des conflits qui permet à un litige engagé dans la voie du contentieux judiciaire d’être réorienté vers un traitement consensuel sous l’égide du juge pour la recherche d’une solution négociée du procès.
Elle a par conséquent pour objet la désignation par le juge d’une tierce personne qui se voit conférer un rôle de « facilitateur » de solution.
C’est un changement profond de mentalités et de culture qui se produit pour les juges et les avocats.
Il s’agit donc en premier lieu que l’avocat soit convaincu de la nécessité de recourir à cette voie lorsque le litige s’y prête.
Lorsque l’avocat qui a effectué un « diagnostic » du dossier considère que la médiation en cours de procès est une mesure utile, son rôle est d’en convaincre son client et l’avocat adverse.
Phase de proposition de la médiation.
Le plus fréquemment, le juge propose la médiation (Art. 131-1du CPC). Dans son rôle de conseil à la médiation, l’avocat doit examiner avec son client la proposition de désignation d’un médiateur judiciaire et l’intérêt pour lui d’avoir recours à une mesure de médiation en étudiant les avantages et les éventuels inconvénients d’un règlement amiable du litige.
La médiation pouvant intervenir en tout état de la procédure, si le juge n’effectue pas spontanément cette proposition, rien ne s’oppose, semble-t-il, à ce que l’avocat, avec l’accord de son client, en fasse la demande oralement ou par écrit.
L’avocat a alors un rôle particulièrement actif.
Cela suppose de sa part d’avoir déterminé préalablement les éléments favorables à une demande de médiation.
Certains magistrats peuvent organiser des rendez-vous judiciaires d’information des parties et de leurs avocats. Ces rencontres n’en seront que plus utiles si l’avocat a pris le soin préalablement d’informer son client de l’intérêt et des modalités du processus.
C’est également durant ces rendez-vous ou lors d’audiences de procédure que s’effectuera la désignation du médiateur .Il appartient à l’avocat de conseiller son client sur le choix du médiateur proposé par le juge en fonction de la nature du litige et des antagonismes en présence. Là encore, l’avocat aura pu effectuer préalablement une recherche du profil du médiateur « idéal » pour proposer un nom au juge et à la partie adverse.
Phase du déroulement de la médiation.
Durant cette « parenthèse consensuelle » (3 mois renouvelable 1 fois) qu’est la médiation judiciaire, l’avocat accompli son rôle traditionnel de conseil de son client. L’avocat suit la mesure. Il est l’interlocuteur direct du médiateur. Il participe sous sa conduite aux réunions de médiation.
Le rôle de l’avocat n’est certainement pas de « plaider » devant le médiateur la reconnaissance du bien fondé des prétentions de son client mais d’inviter le justiciable à accepter ou à rejeter les conditions d’un règlement négocié du litige.
Phase de fin de médiation.
Deux cas peuvent ensuite se présenter dans lesquels l’action de l’avocat est indispensable.
1 – la médiation échoue : le rôle de l’avocat est de plaider à la date fixée par le juge.
2 – la médiation aboutit : le rôle de l’avocat est de retranscrire en termes juridiques les différents points de l’accord intervenu sous l’égide du médiateur en effectuant les vérifications indispensables à l’élaboration de l’acte et à sa validité.
L’avocat détermine avec les autres parties s’il convient de solliciter l’homologation du protocole auprès du juge (Art. 131-12 du CPC). Il participe, le cas échéant, à son exécution.
La fin de l’instance judiciaire pourra prendre plusieurs formes selon la volonté des parties : retrait du rôle, radiation, désistement d’instance et/ou d’action.
Il est également possible de demander au juge de constater que la médiation n’a porté que sur une partie du litige (Art.131-2 du CPC).
II – LE RÔLE DE l’AVOCAT AU COURS DE LA CONCILIATION
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Il conviendra de distinguer le rôle de l’avocat dans les procédures imposant un préliminaire obligatoire de conciliation (A) de celui de la conciliation devant le juge d’instance (B).
A – LE RÔLE DE L’AVOCAT DANS LES PROCEDURES IMPOSANT UN PRELIMINAIRE OBLIGATOIRE DE CONCILIATION
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1 – Devant le juge du divorce
La tentative préalable de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire devant le juge du divorce.
Elle est maintenue dans la loi du 26 Mai 2004 entrée en vigueur le 1er Janvier 2005 et est aujourd’hui régie par les nouveaux articles 252, 252-1 à 252-4 et 253 du Code Civil ainsi que par les articles 1108 à 113 du CPC.
L’intervention de l’avocat est indispensable puisqu’initiant la procédure, il conseille et assiste son client lors de la tentative de conciliation au cours de laquelle le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences.
Le juge doit s’entretenir avec chacun des époux séparément avant de les réunir en sa présence.
Les avocats sont ensuite appelés à assister et à participer à l’entretien.
Leur intervention peut tendre à l’apaisement des parties. En effet, les avocats peuvent aider le juge à faire évoluer les époux vers une conciliation.
Dans la pratique peu de conciliations interviennent véritablement lors de cette audience.
Un débat utile peut cependant s’instaurer sur le principe même de la rupture et conditionner l’orientation future de la procédure.
2 – Devant le Conseil des Prud’hommes
Tout comme devant le juge du divorce la tentative de conciliation est obligatoire devant le Conseil des Prud’hommes et les Conseillers composant le Bureau de Conciliation sont seuls habilités à y procéder (Art. R 516-13 et suivants du Code du Travail).
L’avocat peut assister son client et effectuer des propositions.
En cas de conciliation totale ou partielle, les points d’accord sont mentionnés dans un procès verbal. Cependant, comme pour le juge du divorce, cette tentative de conciliation aboutit rarement.
Afin que ces audiences puissent devenir de véritables audiences de conciliation peut-être conviendrait-il que les Conseillers puissent disposer par dossier de suffisamment de temps pour expliquer aux parties les avantages d’une solution négociée et éventuellement prévoir un second rendez-vous.
B - LE RÔLE DE L’AVOCAT LORS DE CONCILIATIONS DEVANT LE JUGE D’ INSTANCE
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La fonction de conciliation appartient à tous les juges : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties » (Art.21 du CPC). La procédure ordinaire et la tentative préalable de conciliation sont régies par les articles 829 et suivants du CPC.
Cette mission de conciliation a été ressentie comme particulièrement nécessaire devant le juge d’instance. La tentative de conciliation peut être menée par le juge ou par un conciliateur.
Conciliation par le juge d’instance
Si le juge envisage de concilier lui-même, les parties peuvent notamment se faire assister par un avocat.
Conciliation par un conciliateur de justice
Lorsque le conciliateur de justice est désigné par le juge, rien ne s’oppose à ce que l’avocat soit présent aux côtés du justiciable.
Dans les deux cas
La représentation par ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
Cependant l’avocat a toute sa place dans ces processus et est d’autant plus indispensable dans les dossiers présentant une technicité juridique (droit au logement par exemple) car avant d’aller en conciliation, le justiciable doit bénéficier d’une parfaite connaissance de ses droits.
Devant le tribunal d’instance, les enjeux sont souvent importants et les contentieux complexes.
En règle générale en conciliation, qu’il s’agisse du juge ou du conciliateur de justice, même si les pratiques sont variables, la parole est donnée aux parties puis aux avocats avec le souhait qu’ils proposent des voies de réflexion allant dans le sens d’une solution apaisée.
Conclusion
Le rôle de l’avocat est fondamental tant en médiation qu’en conciliation judiciaire.
L’avocat guidera son client, si le litige s’y prête, dans le choix de l’un de ces deux modes de règlement alternatif des conflits qui s’effectuera selon la nature du litige, les enjeux en cause et les objectifs poursuivis par les parties.