LES PERSPECTIVES DE LA MEDIATION A LA COUR D’APPEL DE PARIS


Gabrielle VONFELT

Conseiller à la Cour d’appel de Paris


Le rapport MAGENDIE « Célérité et qualité de la justice, La médiation une autre voie » traite de la médiation civile au sens large y compris donc la matière familiale mais à l’exclusion de la médiation pénale et de la conciliation.


Les grandes lignes directrices du rapport :

tendent vers le développement de la médiation qui permettra notamment de « moins juger pour mieux juger » sans avoir pour objectif de désengorger les juridictions.


Le groupe de travail a relevé quatre facteurs principaux de réussite du développement de la médiation civile :


Il est toutefois apparu important pour développer la médiation judiciaire d’analyser tout d’abord la phase de l’engagement de la médiation (I) puis de promouvoir des acteurs spécifiques (II) de manière à faciliter l’implantation de la médiation en milieu judiciaire.



I. L’ENGAGEMENT DE LA MEDIATION

Le processus de médiation doit rester très ouvert quant au moment de la proposition et de la mise en place de la médiation. Celle-ci dépend moins du stade de la procédure que de la volonté des parties prêtes à entreprendre une médiation.

La médiation peut intervenir à tous les stades de la procédure judiciaire mais il est certain que le moment le plus favorable est celui qui se situe le plus près de l'introduction de la demande ou de l'appel.

Hormis la médiation conventionnelle, la médiation judiciaire peut intervenir avant l'audience, à l'audience ou à l'issue des plaidoiries ou en cours de délibéré.



1.1. Avant l'audience

Lors de cette étape préalable devra intervenir la sélection des affaires susceptibles de médiation après qu'une typologie des affaires a été définie pour effectuer le tri des affaires.

En cas d'accord des parties, le dossier médiation sera transmis à une Chambre préalablement désignée.

Le rôle des Chambres est de rendre la décision désignant le médiateur ou celle d'homologation de l'accord de médiation à la demande des parties. Ainsi le traitement juridictionnel du dossier demeure l'affaire des Chambres de la Cour d’appel.

L'unité de médiation décharge uniquement les Chambres de la mise en place de la médiation et de son traitement administratif afin qu'elles puissent se concentrer sur les activités juridictionnelles.



1.2. A l'audience

La proposition de médiation pourra également intervenir à l’audience à l’initiative de la juridiction ou de l’une des parties. En cas d'accord à l'audience, la juridiction saisie rendra alors une décision désignant un médiateur.

La permanence des médiateurs permet de donner des informations utiles aux justiciables concernant la médiation et de favoriser la mise en œuvre de celle-ci, en particulier lorsqu'elle se tient pendant l'audience. Les magistrats ont ainsi la possibilité d’inciter les parties à saisir cette opportunité qui leur est offerte de rencontrer un médiateur, en attendant que leur affaire soit appelée. Le médiateur peut ainsi les renseigner utilement sur la médiation, son déroulement et ses avantages. Les parties informées sur ce processus pendant l’audience peuvent donner une réponse en toute connaissance de cause à la juridiction concernant la médiation. Le cas échéant, la juridiction pourra recueillir leur accord en vue d’une médiation. De la sorte le temps de la mise en œuvre s’en trouvera réduit, le médiateur étant de surcroît immédiatement avisé.



1.3. A l'issue des plaidoiries ou en cours de délibéré

A ce stade, la juridiction pourra après avoir ordonné la comparution personnelle des parties proposer la médiation et inciter les parties à rencontrer un médiateur.



II. LES ACTEURS SPECIFIQUES DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROCESSUS DE LA MEDIATION JUDICIAIRE



La mise en œuvre de la médiation nécessite non seulement de la volonté et de la persuasion, mais aussi une disponibilité particulière. C’est la raison pour laquelle un magistrat qui a l'habitude de la pratique de la médiation doit être désigné en qualité de référent. Pour les juridictions comme la Cour d’appel de Paris, traitant un important contentieux, il est utile de mettre en place une structure plus développée : l’unité de médiation.

Les activités de l’unité de médiation ont vocation à aider les Chambres de la Cour d’appel dans l’élaboration du processus de la médiation.

Une Commission de médiation établie au niveau de la Cour d’appel assure quant à elle le rôle régulateur des actions de médiation initiées dans les juridictions du ressort.

Les acteurs spécifiques sont donc au nombre de trois : l’unité de médiation, la Chambre de la Cour développant la médiation et la Commission de médiation.



2.1 La structure de médiation : l'unité de médiation

Cette structure permanente, plus élaborée, doit être envisagée lorsque des contentieux en nombre important peuvent relever de la médiation.

Cette unité de médiation doit être composée d'un ou deux magistrats, d'un greffier, d'une secrétaire et de deux ou trois assistants de justice. Par ailleurs, l’unité de médiation doit être en relation avec un avocat et un avoué référents. Il convient de souligner que l'accueil du justiciable dans le cadre d'une médiation se révèle primordial et doit donc être assuré par un personnel sachant traiter ces affaires avec doigté et compétence. A défaut, toute l'infrastructure ainsi créée serait mise en sérieuses difficultés.

Il est, encore souhaitable que les auditeurs de justice et les élèves-avocats puissent participer à ces actes préparatoires au cours de leur formation.

Dans les juridictions particulièrement importantes, qui peuvent être des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes, il est préférable de prévoir plusieurs structures de médiation. Ainsi, différentes unités de médiation sont prévues à la Cour d’appel de Paris, à savoir une dans chaque pôle à l’exception du pôle pénal.

Les fonctions de cette structure de médiation sont plus développées que celles d'un magistrat référent dans la mesure où elle prend en charge la gestion des dossiers de médiation et leur suivi.

Cette structure permet en effet une meilleure implantation, plus incitative, de la mesure et décharge les magistrats de toute la partie administrative de la mise en place de la médiation et de son suivi.

L'unité de médiation assure aussi la coordination de ses actions avec celles des Chambres. Elle facilite l’information relative à la médiation. Elle fournit les renseignements concernant les affaires en médiation. Elle organise des réunions de sensibilisation à la médiation et des échanges périodiques des bonnes pratiques, ces dernières étant essentielles au développement de la médiation judiciaire. L’unité de médiation assure aussi l’interface avec les médiateurs. Elle émet des avis concernant notamment les inscriptions sur la liste des médiateurs dressée par la Commission de médiation. Elle veille à l’application de la Charte des médiateurs. Elle remet la liste des médiateurs à tout intéressé même dans la perspective d’une médiation conventionnelle. Elle participe, par ailleurs, à la mise en place des moyens d'information tels que les affiches, dépliants, site Internet, signalisation des locaux de médiation.

L'unité de médiation permettra à terme de « moins juger pour mieux juger ».

La création d'une unité de médiation présente en outre l’avantage de faciliter l'organisation d'une médiation avec la souplesse inhérente à ce processus, en constituant un point ressource visible qui offre la possibilité de donner des informations et d'aider les parties, les avocats et les avoués de manière informelle, en-dehors de toute audience.





2.3. Les Chambres développant la médiation

En cas d'accord des parties avant l’audience, le dossier médiation est transmis à la chambre devant être saisie.

Le rôle des Chambres de la Cour est de rendre la décision désignant le médiateur et celle relative à l’homologation de l'accord de médiation à la demande des parties. L'unité de médiation assurant uniquement le traitement à caractère administratif de la mise en place et du suivi de la médiation.





2.4. La Commission de médiation


Pour promouvoir et coordonner les actions de médiation dans l’ensemble du ressort de la Cour d’appel, l’instauration d’une commission de médiation se révèle utile et appropriée.




La Commission a pour rôle de :





L’influence de cette Commission permet de favoriser et d’étendre la médiation par son aide et son soutien aux actions de médiation à entreprendre. Elle contribue à valoriser la médiation en soutenant la formation à la médiation des magistrats et des auxiliaires de justice et en veillant à la formation continue des médiateurs.



Un bref aperçu du fonctionnement de ces acteurs spécifiques de la médiation au sein de la juridiction permettra de bien cerner leur synergie grâce au schéma ci-dessous.






En conclusion, l’engagement important des magistrats en faveur de la médiation ainsi que l'adhésion des avocats et avoués faisant preuve d'initiative, outre le partenariat des médiateurs et de leurs associations, sont de nature à pérenniser la médiation au sein de la Cour d’appel.

Toutefois, cet effort ne saurait aboutir sans bénéficier de structures, de moyens adéquats et de mesures incitatives. Aussi conviendrait-il de :

La médiation, favorisant l’écoute des parties et la paix sociale, permettra aussi de mieux répondre aux attentes des justiciables et de rétablir leur confiance dans leur Justice.